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Page:Cellini, Oeuvres completes, trad leclanché, 1847.djvu/86

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core à l’éclat de sa beauté. Je lui attachai aux oreilles deux grosses perles précieuses. Ces anneaux étaient brisés, de sorte qu’ils lui serraient seulement les oreilles qui paraissaient percées. Je lui couvris le cou de magnifiques colliers d’or et de splendides joyaux. J’ornai également de bagues ses belles mains. Je le pris ensuite doucement par l’oreille, et je le conduisis devant un grand miroir. Dès qu’il se fut vu, il s’écria dans un joyeux étonnement : — « Seigneur ! est-ce bien là Diego ? » — « Oui, lui répondis-je, voilà ce Diego à qui je n’ai jamais demandé aucune faveur, mais, à présent, je le prie de m’accorder une grâce. Je voudrais qu’il vînt, sous ce déguisement, souper avec cette aimable société dont je lui ai parlé plusieurs fois. » — Cet honnête et sage jeune homme perdit alors toute assurance, baissa les yeux, et resta ainsi quelque temps sans prononcer une parole ; puis, se redressant tout à coup, il dit : — « Je suivrai Benvenuto, partons. » — Je lui mis alors sur la tête un voile, que l’on appelle, à Rome, panno da state. Nous arrivâmes les derniers au rendez-vous. Tout le monde vint nous saluer. Michelagnolo était placé entre Jules Romain et Gianfrancesco.

Lorsque j’eus enlevé le voile qui cachait le visage de mon beau compagnon, Michelagnolo, qui, comme je l’ai déjà dit, était un des hommes les plus gais du monde, saisit Jules d’une main, Gianfrancesco de l’autre, les força tous deux à se courber et se jeta lui-même à genoux, en disant : — « Miséricorde ! accourez tous ! Voyez, voyez comment sont faits les anges du paradis ! On dit qu’il y a de beaux anges, mais, voyez, voyez qu’il y a aussi de belles anges ! » — Et il s’écria :

Angiol bella, o Angiol degna,
Tu mi salva, tu mi segna.

À ces mots, ma charmante créature leva en riant la main,