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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/292

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convaincre, qu’on en lise le texte, inséré par Wagner dans le premier volume de ses Œuvres et qu’on parcoure ensuite la partition complète pour piano, afin de se faire une idée d’ensemble de la composition musicale ! Rienzi est, en réalité une œuvre dramatique puissante, une grande tragédie ; c’est bien avec raison que le maître l’intitulait : « Opéra tragique ». Et je prétends que, dans la création des caractères, dans cette invention poétique qui les anime, le Wagner de Rienzi a déjà atteint presque toute sa hauteur ; le héros lui-même, surtout, Rienzi, peut supporter sans désavantage la comparaison avec les créations ultérieures de Wagner. Qu’on voie, par exemple, l’admirable instinct avec lequel ce dernier a maîtrisé un sujet très vaste, trop touffu presque, et l’a condensé en une action simple et facile à embrasser ! Voilà vraiment la marque d’un poète, et d’un grand poète ! Tandis que les Scribe-Meyerbeer font la chasse aux coups de théâtre, aux situations qui empoignent, il n’y a dans Rienzi, pas un détail de l’action qui ne soit consacré à peindre, exclusivement, le caractère du héros.

Combien, à ce point de vue, le Rienzi de Wagner surpasse celui de Bulwer ! Ce dernier, dans son roman, ne pouvait point ne pas nous montrer en Rienzi, avec le héros qui se confie en Dieu, le politique, le protecteur de l’industrie, le catholique superstitieux, l’amoureux d’une grande dame, etc., etc., et il a, d’ailleurs, fort bien rempli sa tâche. Mais Wagner, lui, s’en tient aux traits essentiels : l’acceptation entière de la volonté de Dieu, l’amour enthousiaste et désintéressé de la patrie, la générosité envers ses ennemis, la sévérité envers soi-même et les siens Mais encore, même là où l’individualité propre de Rienzi se révèle dans ses contradictions (la magnificence alliée à la