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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/50

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la Défense d’aimer, que le théâtre de la Renaissance avait accepté ; mais, là encore, le contre-temps que Wagner ne connaissait que trop bien se produisit derechef : la traduction était terminée, et l’opéra allait être mis à l’étude, quand la direction fit faillite. C’est à peine si le maître put, à force d’un travail ingrat, subvenir à son entretien et à celui de sa femme, en composant des romances, en écrivant de nombreux articles pour les journaux français et allemands, et surtout, seule besogne qui lui rapportât vraiment quelque chose, en arrangeant, pour toute sorte d’instruments, des mélodies tirées des opéras d’Halévy et de Donizetti.

Pendant ces tristes années de Paris, la jeune femme de Wagner fut admirable. Novs savons aujourd’hui à coup sûr qu’elle n’avait que peu de sympathie pour l’idéal artistique de son mari, et qu’elle ne le comprenait guère lui-même. Cette union, en fin de compte, ne la rendit pas heureuse, tandis qu’elle fut, pour Wagner, une fatalité, dans le sens tragique du terme. Aussi aurait-on peine à expliquer la tendre affection qu’il garda pour elle jusqu’au moment de sa mort, en 1866, autrement que par l’ineffaçable souvenir de ce séjour à Paris, pendant lequel le dévouement de la jeune femme, son courage et son sens pratique, restèrent au-dessus de tout éloge. C’est ici le lieu de mentionner aussi le petit cercle d’amis qui se groupaient autour de Wagner, et particulièrement les plus intimes : Lchrs, le philologue ; Anders, le bibliothécaire, connu pour ses recherches sur Beethoven ; Ernst Kietz, le peintre, tous jeunes, tous pauvres, joyeuse compagnie au sein de laquelle le maître oubliait par moments ses soucis et ses peines, et laissait la bride sur le cou à la verve débordante et folle qui lui était propre, à