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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/212

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CATHERINE DE MÉDICIS

par les catholiques célébrant leur office à Saint-Nazaire. L’évêque de Béziers, fort mondain, était le cardinal Strozzi, frère du maréchal de France, grand ennemi des hérétiques, si zélé même qu’on dut le calmer en le priant de se retirer à Albi. Antoine Vivès, qui avait fondé à Béziers la foi nouvelle et prêchait la nuit dans les maisons, fut enlevé par Guillaume de Joyeuse, lieutenant du roi en Languedoc et envoyé au fond de la rivière. Depuis ces jours, les menaces, les insultes volaient à travers la ville. Les réformés criaient aux catholiques : « Papistes, grégoriaux ¹ » ; et les catholiques leur répondaient : « Huguenots, Luthérons et grégous ». Les luttes s’étendaient jusque dans les villages voisins, où les « malins » rossaient les réformés de leurs gros bâtons à trois pans, qu’ils nommaient des « pousettes ». Les catholiques, lorsqu’ils entendaient la grand’messe à Saint-Nazaire, croyaient toujours voir surgir les réformés qui allaient les égorger. La peti guerre de M. de Joyeuse avait rassuré les uns en terrorisant les autres.

L’entrée royale à Béziers évoquait encore ces tempêtes. Le roi, sa mère et leur suite passèrent sous la porte des Carmes. On leur offrit, ce qui est singulier, le spectacle d’un combat de deux galères montées sur des roues, en sorte qu’elles tanguaient comme si elles eussent flotté sur la mer. Le roi se place sous le poêle de satin bleu et brodé d’or aux doubles C C ; deux belles jeunes filles présentent les clefs. A l’entrée de la rue Française, on voit les médaillons d’Auguste et de Trajan, entourant le portrait du roi. C’est ici un appel à la pitié et à la clémence. Devant la Maison de Ville, on a planté un bois d’où l’on voit sortir une Diane que des satyres poursuivent. Mais dès que ces derniers ont aperçu le roi, ils s’arrêtent, et regagnent leur asile feuillu. Les gens de Béziers étaient, comme d’autres, en retard. Car on ne devait plus parler de Diane devant Catherine. Mais on en avait tant parlé ! Sur la place du Marché on remarquait un autre tableau, plus extraordinaire, et suscitant de cruels souvenirs. Car il représentait la prise de Béziers par les protestants. Le roi gagne son logis à l’Evêché, et la reine, la maison du baron de Sorgues. Le lendemain, la reinemère et le conseil entendaient catholiques et réformés exposer leurs griefs. Au départ, les consuls présentèrent au roi une Pallas 1. C’est-à-dire lecteurs des Décrétales de saint Grégoire. 2. Autant dire : grognens, grigou.


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