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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/34

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CATHERINE DE MÉDICIS

effet, par leurs nouvelles tendancieuses, avoir jeté alors beaucoup d’huile sur le feu.

Dans tous les « coins du pays », depuis que Catherine de Médicis est attachée à la pacification des esprits, à l’union, on l’a représentée comme une femme sans foi ; on a dit qu’elle élevait ses enfants dans les idées nouvelles, que la famille royale fréquentait peu la messe, qu’elle-même allait faire de ses rejetons de petits huguenots !

Et les gens des Parlements avaient offert beaucoup de résistance à l’enregistrement de l’édit de janvier, œuvre de Michel de L’Hospital, avocat de la tolérance, homme souple et humaniste accompli, nourri dans la tradition des mercuriales du Parlement, et qui passait lui-même pour un hérétique.

Tel est le bruit populaire, celui que Perrenot de Chantonnay, ambassadeur d’Espagne en France, Franc-Comtois hargneux, le frère du cardinal de Granvelle qui dirigeait aux Pays-Bas la politique de Marguerite de Parme, sœur de Philippe II, avait versé, comme un poison, dans les oreilles du roi d’Espagne.

L’homme qui avait en ce moment la plus grande influence dans le conseil des affaires était le vieux baron de l’Île de France, le connétable Anne de Montmorency. Les Guises et leurs partisans avec lesquels il a rompu, le représentent, lui aussi, comme le soutien du prince de Condé et des Châtillons, ses neveux, les trois Coligny, passés à la Réforme. Aux yeux des vieux catholiques et des extrémistes de cette tendance, comme Blaise de Monluc, la reine-mère, le chancelier, en pratiquant une politique libérale, en admettant l’existence de deux religions, en épargnant aux huguenots l’extermination suivant les formes de l’Inquisition d’Espagne, avaient commis la plus fatale des erreurs ! Ils se disent catholiques, et sans doute le sont-ils encore ; mais ils vont contribuer au développement de l’hérésie protestante en France ; elle gagne chaque jour du terrain dans la noblesse, dans le monde du Parlement, dans le peuple lui-même.

La propagation de l’hérésie, la coexistence de deux religions, c’est le pays déchiré, les églises occupées tour à tour par les uns ou les autres, des rixes perpétuelles à l’issue des prêches, des difficultés inextricables à l’occasion de l’enterrement des morts. Les catholiques voient là une atteinte bien plus grave encore aux principes unitaires de la monarchie. Chantonnay l’avait dit nettement à la reine : cette politique de tolérance amènerait la ruine