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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/35

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CATHERINE DE MÉDICIS ARBITRE

totale du royaume. Catherine de Médicis se bornait à répondre que le nombre de « ceux de la religion » était si grand, qu’on ne pouvait plus procéder contre eux qu’avec une grande patience. Chasser les prédicants, ce serait rouvrir la guerre civile ! Un représentant des catholiques intransigeants comme Monluc, séduit d’ailleurs par l’argent de l’Espagne, car il était un besogneux, justifiait la thèse de l’extermination par des considérations nettement politiques. La tolérance dont on usait envers les protestants devait fatalement amener en France un changement de gouvernement, une République fédéraliste.

Certes, cette République serait monarchique (on ne pouvait alors en imaginer une autre) ; mais elle deviendrait fort dangereuse pour le pouvoir royal et donnerait une grande activité à la noblesse encore féodale, qui visait à amoindrir l’action du pouvoir central. Le roi n’était qu’un adolescent entre les mains d’une femme ; jusqu’au jour où il serait en état d’agir, il y aurait donc comme un interrègne. D’autre part Monluc dénonçait, dans la Guyenne où il était gouverneur, la révolte des paysans, le massacre des nobles et des religieux, l’occupation des couvents et des églises, où l’on renversait les croix et les images. Ce peuple vif de Guyenne que Monluc connaissait bien, le peuple non moins passionné du Languedoc et de la Provence, refuserait un jour d’acquitter les impôts : ce qu’il avait commencé de faire dans sa province. Car les paysans sortaient leur Bible en réponse aux demandes des percepteurs d’impositions.

On le voit, la question religieuse et morale, posée par la Réforme au peuple de France, de tradition assez anticléricale, avait évolué très vite sur le plan de la politique intérieure. Elle ouvrait aux appétits de la petite noblesse la perspective de la confiscation des biens au clergé ; elle laissait espérer aux Bourbons, aux Condés, un avenir de gouvernement. Qui l’emporterait dans ce gouvernement, les Montmorency avec les Châtillons, la maison de Lorraine avec les Guises ?

Ce problème prenait un aspect tout aussi grave, et même tragique, à considérer ses répercussions sur le plan des affaires extérieures.

La politique des Guises et de la maison de Lorraine, exercée effectivement sous le règne de François II et pendant le gouvernement des triumvirs (Montmorency, François de Guise, Saint-André), comportait une alliance étroite avec l’Espagne, le con-