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Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/42

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CATHERINE DE MÉDICIS

son bon serviteur, en écrira l’itinéraire plutôt que l’histoire. L’ambassadeur d’Espagne, l’ambassadeur d’Angleterre, l’envoyé vénitien, suivent le plus souvent.

Le rôle du connétable ne consistait pas à porter aux entrées l’épée qui symbolisait sa puissance et sa justice. Il doit reconnaître en quelque sorte le terrain, s’informer de l’état des esprits dans les provinces et les cités, s’entendre avec les gouverneurs, précéder la cour et les cortèges, assurer la police, assigner les logis, veiller sur les cantonnements, assister aux séances du conseil où son autorité est grande. Le connétable voyage avec sa femme, Madeleine de Savoie, dame d’honneur de la reine-mère, alors une femme déjà âgée, fort pieuse, le plus souvent habillée à la « vieille française », et d’une austère majesté. Anne de Montmorency est lui-même un homme de soixante-douze ans. Il se dira parfois assez malade et fatigué. Mais il était de fer, comme son armure, bien qu’en ces jours il préférât chevaucher une mule qu’un destrier. En dépit des atteintes de l’âge et de la maladie, on le voyait se redresser de toute sa haute carrure, bougonnant, ondoyant, disant toujours son chapelet en fidèle catholique ; il portait droit sa grosse tête au nez camus encadrée d’un collier de barbe blanchissante, où brillaient de petits yeux malins et obliques.

Grand maître de l’hôtel, chef des armées où il avait régné si longtemps sur la grosse gendarmerie, excellent officier d’état-major, il connaît son service des étapes, la nécessité d’une solde où il ne s’oubliait d’ailleurs pas, l’utilité d’une comptabilité. Anne de Montmorency est bien à sa place dans le grand voyage de France, et dans son emploi. Il maintient l’ordre ; il est responsable de l’ordre, se montrera lui-même un homme d’ordre. Mais le connétable est encore un chef de famille, régnant sur ses enfants, sur ses neveux, la lignée, le « lignage » on voudrait dire, les Montmorency et les Châtillons que nous verrons souvent à ses côtés. Par là il fut souvent le protecteur, l’arbitre entre les factions.

Philippe Strozzi, qui commande les régiments de gens de pied, est un ferme et élégant colonel, le fils de Pierre Strozzi, maréchal de France. Les Strozzi étaient des bannis volontaires de Florence où ils avaient combattu les Médicis. Mais Catherine les considérait cependant comme faisant partie de sa famille, Pierre ayant épousé une Laudamine de Médicis. On se nommait cousins. Philippe, formé par son père aux bonnes lettres, se montrait un esprit libre et hardi, ce qui lui valut d’être dénoncé, par l’attaché