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UN SÉJOUR À TROYES
ci on était en Champagne, le gouvernement du jeune Henri
de Guise, qui a créé pour lieutenant, le duc d’Aumale, gouverneur.
La Champagne est une vieille terre catholique, mais
narquoise, très avancée dans le mouvement de son esprit à cause
du passage des étrangers attirés par les foires, et surtout grâce à
l’activité du commerce du livre et du papier. Troyes était sur le
passage de Genève. Les gens des campagnes semblaient simples
comme leurs moutons ; ceux des villes, frondeurs, agités par le vin
pétillant du pays, colériques et rieurs. Troyes, c’est le pays de la
vieille draperie, des tanneries, des teintureries, des gens qui
savent réfléchir et compter. On y voyait aussi des artistes habiles
à tailler la pierre de leur région, un peu plus dure que la craie, pour
en faire des images vivantes ; ils pratiquaient aussi bien le style
nouveau d’Italie que celui des bords du Rhin. Mais les gens de
Troyes étaient français surtout, épris de grâce, pétris d’esprit,
amateurs de spectacles. Dans le collège de la petite ville avait
grandi Passerat, latiniste accompli.
La « terre est mauvaise » pour la semence de l’Évangile, comme le marquera l’auteur de l’Histoire ecclésiastique, Théodore de Bèze. En dépit, ou à cause des prêches de Carracioli, évêque de Troyes, le mondain prince de Melphe, acquis à la nouvelle religion, et qui en devint le ministre, la Réforme ne prit pas dans la ville de fortes racines. Il faut ajouter que Troyes avait été terrorisée par les triumvirs, et qu’elle demeura sous le vigoureux contrôle du duc de Nevers, et de son lieutenant Desbrosses. Leurs soldats dans la ville faisaient baiser sans réplique la croix de leurs chapelets, et la chaire du ministre y fut brûlée. Récemment, quand le corps de François de Guise, ramené à Joinville, dut