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Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/60

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taire, mais un moment après, il avait oublié la consigne et le chant fusait de nouveau. Cette modulation exprimait en langage chiffré le trop plein de joie du jeune homme. Georges le savait. Cela lui était arrivé à cet âge — parfois même durant les cours et un de ses professeurs l’avait apostrophé… La première fois que Georges avait surpris cette mélodie, Jean revenait d’un meeting d’étudiants où il avait prononcé son premier discours. « Il n’avait rien cassé du tout », avouait-il, mais il avait tenu tête à une assemblée tumultueuse. Au retour, il avait crié sa joie de cette façon à la fois jubilante et retenue, comme maintenant, inventant à mesure sa mélodie. Il en trouvait les notes, une à une, puis reprenait le passage avec amour. Le chant avait quelque chose de plein, d’un peu triste aussi en sourdine, mais à prépondérance de joie, de poussée enivrante. Sans doute, imaginait-il que son père ne devinait rien de son état d’âme. Pourtant, sa joie concernait Georges. En effet, Mayron, à la fin de la réunion, avait proposé que le groupe appuie la candidature de l’écrivain à la succession de Blaise Carrel.