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Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/61

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Plus tôt, chez son père, Georges n’avait pas menti en disant qu’il était l’ami de Jean. Cela remontait à quelques années en arrière, Jean avait alors dix-sept ans et tout, semblait-il, contribuait à les séparer. Et un jour, ils s’étaient égarés dans la forêt… Ce jour-là, levé à l’aube, Georges avait éveillé son fils et lui avait proposé de l’accompagner à la pêche. Juin touchait à sa fin. Jean, somnolent, un peu surpris, avait accepté. Et les voilà partis, sac au côté, marchant dans les hautes herbes alourdies de rosée, gravissant d’innombrables collines. Ils avaient assisté au surgissement du jour, d’abord une gelée luminescente derrière l’horizon ondulant, puis déflagrante parmi la frondaison qu’elle embrasait d’une lueur incandescente, projetée en plein ciel, comme ces déflections rougeâtres qui, à distance, permettent de reconnaître dans la nuit l’emplacement d’une ville moderne. — Jean, au retour, tenterait de fixer en un tableau ces colorations chaudes, cette diffraction de la lumière dans l’eau. Mais trempé jusqu’à la ceinture, ce spectacle le laissait un peu inquiet. Puis, tout à coup, dans le jour qui les illuminait de la tête aux pieds, Georges avait ferré sa première prise et presque aussitôt, Jean dans un cri faisait sauter