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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/129

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ARCHITECTURE.

elle a deux harpes. La plus petite distance qu’on doive mettre entre les chaînes est égale à la hauteur du mur ; la plus grande ne doit pas dépasser le triple de cette hauteur. Il est si vrai que la solidité touche à la beauté, que souvent l’architecte, là même où il n’élève pas de chaînes, prend


chaînes de pierres.


la peine d’en figurer, bien que ce soit généralement une faute, en architecture, de fausser les apparences. Lorsqu’on bâtit des chaînes ou qu’on les figure aux angles de l’édifice, on a soin de montrer les pierres longues d’un côté, courtes de l’autre, les courtes devant avoir une largeur égale à l’épaisseur du mur, dont elles représentent l’extrémité.

Par ce besoin de manifester aux yeux les matériaux de son art et le système de sa construction, l’architecte a été conduit à marquer fortement, dans certains cas, toutes les lignes de son appareil. Il en indique alors les lits et les joints, ou les lits seulement, par des rainures qu’on appelle refends. Les Grecs ont usé rarement de ce moyen. Toutefois on le trouve employé à Athènes, dans le piédestal du petit monument choragique de Lysicrate (vulgairement et improprement appelé Lanterne de Démosthène), et cela sans doute parce que le piédestal était en pierre et le monument en marbre pentélique. La rudesse de la base, ainsi accusée, faisait mieux ressortir l’exquise délicatesse d’un monument qui était travaillé, ciselé et fini comme un ivoire.

Les Athéniens avaient un goût trop pur, un sentiment trop élevé du beau pour donner de l’importance à chacune des pierres dont se compose un édifice, et pour faire ainsi valoir les détails aux dépens de l’ensemble. Moins artistes, les Romains enchérirent sur l’idée de leurs maîtres. Ils imaginèrent de creuser plus profondément les rainures ; ils affectèrent de mettre en saillie tous les parements et ils en tirent des bossages. Ce qui n’était chez les Grecs qu’un aven des matériaux, en fut chez les Romains une ostentation. Il faut reconnaître cependant que les architectes romains firent un emploi intelligent du bossage, et qu’ils l’appliquèrent