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Page:Charles Blanc-Grammaire des arts du dessin, (1889).djvu/48

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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

mesures et proportions sur lesquelles les excellents peintres et sculpteurs de l’antiquité, que l’on estime tant, se sont toujours réglés. « Le centre du corps est naturellement au nombril, car, si à un homme couché et qui a les mains et les pieds étendus on met une branche du compas au nombril et que l’on décrive un cercle, la circonférence touchera l’extrémité des doigts, des mains et des pieds. Et comme le corps ainsi étendu a rapport avec un cercle, on trouvera qu’il a de même rapport avec un carré ; car, si on prend la distance qu’il y a de l’extrémité des pieds à celle de la tête, et qu’on la rapporte à celle des mains étendues, on trouvera que la largeur et la longueur sont pareilles, comme elles sont en un carré fait à l’équerre. »

Les mesures que donne ici Vitruve ne sont point exactes. La tête n’est point ordinairement et naturellement la huitième partie du corps : elle est, dans ce cas, trop petite et ne convient qu’à des athlètes. Le pied n’est pas non plus la sixième partie, car cette mesure ne se vérifie ni sur la nature ni sur les plus belles sculptures antiques, telles que l’Achille, le Discobole, le Faune à l’enfant. Après de longues recherches (consignées dans son Polyclète), le professeur Schadow, de Dusseldorf, a établi que les hommes bien faits ont le pied dans la proportion de 10 à 66, et non dans la proportion de 10 à 60, qui serait celle de Vitruve. L’erreur de l’architecte romain est donc d’un dixième, qui, répété six fois, conduit à une erreur totale de six dixièmes ou trois cinquièmes, de sorte que, pour un homme dont le pied serait de 25 centimètres, on se tromperait de 15 centimètres, puisqu’on lui donnerait, d’après Vitruve, 150 centimètres de hauteur au lieu de 165. Les observations de ce célèbre écrivain, touchant la poitrine, ne sont pas plus justes, car, suivant la remarque de Perrault, si la poitrine est prise depuis les clavicules jusqu’au cartilage xiphoïde, vulgairement appelé creux de l’estomac, elle n’a tout au plus qu’une septième partie, et si on la prend d’une extrémité des côtes à l’autre, elle n’en a qu’une cinquième. Quant au cercle et au carré dans lesquels on peut inscrire le corps humain, la mesure de Vitruve est exacte, mais elle ne l’est qu’à cette condition que les jambes s’écarteront, dans le cercle, de manière à former un triangle équilatéral, et que les bras se lèveront à la hauteur du sommet de la tête, ainsi qu’on le voit dans la figure ici gravée d’après un dessin de Léonard de Vinci, représentant un homme dont les pieds et les mains touchent à la fois aux côtés d’un carré et à la circonférence d’un cercle.

Léonard de Vinci, qui s’est occupé des proportions, a suivi les règles de Vitruve, et, après lui, presque tous les auteurs s’y sont rattachés, Jean Cousin, Geoffroy Tory, Juan de Arfe[1], Paolo Pino, Armenini, de Piles,

  1. Juan de Arfe y Villafañe était un sculpteur et un orfèvre du premier ordre. Il florissait au xvie siècle, et on l’appelait à juste titre le Benvenuto Cellini de l’Espagne.