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LA CORÉE OU TCHÖSEN

remède dont il absorbe un verre ou deux à la moindre indisposition.

Lorsque le potage de chien est sans efficacité et que le malade se trouve à l’agonie, on a recours au moutang : une bande de vieilles femmes, sorcières armées de gongs et d’autres instruments de musique analogues, entourent le moribond et le gratifient d’une symphonie infernale, afin de chasser le maudit dragon qui a pris possession de son corps. Si le malheureux n’a pas succombé à la maladie, il est sûr de ne pas échapper au moutang.

Le mode de chauffage des habitations empêche la population d’être asphyxiée par les émanations pestilentielles de la ville. Dans le sous-sol de toute habitation est construit un fourneau destiné à chauffer l’appartement : la cheminée débouche dans la rue. Au coucher du soleil, les feux sont allumés et, deux ou trois heures après, une chaleur intolérable pour un Européen règne dans l’intérieur. En même temps, des nuages d’une fumée noire et épaisse se répandent dans l’atmosphère, entraînant sans doute au loin les miasmes délétères de ce foyer d’infection, mais suffoquant celui qui, par malheur, aurait à traverser la ville pour gagner sa demeure.

D’après un ancien usage, une immense cloche, appelée In-Kioung, donne le signal auquel tout Coréen obéit en gagnant au plus vite sa cabane. Ainsi, toute boutique se ferme et, en un clin d’œil, les rues qui, tout à l’heure, fourmillaient de monde, sont silencieuses et désertes. Enfermé chez lui, le Coréen, grand buveur et grand joueur de son naturel, se livre aux jeux et à une consommation formidable de sul, eau-de-vie de riz, sorte de saki, boisson dont il est fort amateur.

Dès que la nuit est tombée, une obscurité profonde règne sur la ville et le silence n’est guère rompu que par quelques rares policiers armés de barres de fer auxquelles sont attachées des chaînes dont on entend de loin le bruit : c’est pour avertir les malfaiteurs de s’éloigner et non pour les arrêter, — ou par les aboiements des chiens qui, en dehors du service qu’ils rendent à la pharmacie du pays, et à la voirie, sont aussi les fidèles gardiens de l’habitation du coolie. Les portes de la ville sont fermées vers les 8 heures du soir, et personne ne peut entrer ni sortir avant 3 heures du matin, heure réglementaire où elles sont ouvertes par les soldats gardiens.