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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/121

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« Es-tu, » dit-il, « pucelle ? » « Ha, » dit-elle, « il m’a fallu de Bruges m’ensauver, car l’ecclésiastique m’y veut brûler pource que j’ai au col tache brune et grande comme pois, venant, » dit-il, « de ce j’ai eu commerce charnel avec le diable. Mais je ne vis oncques le diable et ne sais comme il est. »

Il, sans l’écouter, s’enquit derechef si elle était pucelle, et la fillette ne sonnant mot, il chanta sa chanson.

Mais elle ne bougea du tout, lui disant seulement : « Vous avez bien douce et forte voix pour homme enfiévré et affamé si amèrement. »

Lors il lui dit : « Je suis le Sire Siewert Halewyn. Va t’en en mon château demander la dame ma mère, et sans parler à autre que ce soit, dis lui que le sien fils endure en la forêt faim, fièvres et fatigue et trespassera tantôt si on ne lui vient ne aide. »

La fillette s’en fut, mais passant le bois elle vit au Champ de potences le corps pendu de la vierge et courut par peur, bien loin. Passant sus la seigneurie du vieux sire Roel, elle demanda à manger et à boire, en une chaumine de manants. Et là, narra comment elle avait trouvé le sire d’Halewyn se mourant par faim. Mais il lui fut répondu que le dit Sire étant plus méchant et cruel que