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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/140

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Et à tous jours à la même place s’allait seoir la dolente Magtelt considérant la campagne, songeant à Anne-Mie et ne disant mot.

Le sire Roel la voyant si marrie, envoya querir à Bruges drap d’écarlate azur, afin quelle s’en fit robe, et bel or de Chypre pour la bordure et beaux boutons d’or bien ouvrés.

Magtelt besogna bien, faisant la dite robe, mais ne s’égaya du tout, considérant son prochain bel accoutrement.

Et ainsi passa la semaine, et à tous jours Magtelt besognait et ne disait mot et ne chantait du tout et plourait souventefois.

Au cinquième jour, la robe étant parachevée et bien bordée du bel or de Chypre, et ornée des beaux boutons, la dame Gonde dit à Magtelt de la vêtir et lui montra sa magnifique contenance en un grand verre à mirer ; mais Magtelt se voyant si belle ne rit du tout, car elle songeait à Anne-Mie.

Et la dame, considérant combien elle était fâchée et silencieuse, plourait aussi, disant : « Depuis que ne chante plus notre Magtelt, j’ai plus grand froid d’hiver et de vieillesse. »

Et le sire ne se plaignait point, mais il était maussade et rêveur et buvait clauwaert tout le jour.