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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/192

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— « Veux-tu où ne veux-tu point, forgeron ? » dit la voix.

— « Ha ! » répondit Smetse, « vous m’offrez choses bien désirables, voire même, seigneur diable, à le dire sans vous offenser, plus que je n’en veux ; car si j’avais seulement ma forge et des chalands assez pour en nourrir le feu, je serais plus heureux que monseigneur Albert et madame Isabelle. »

— « Prends ou jette, forgeron, » dit la voix.

— « Seigneur diable, » répondit Smetse, « je vous supplie de n’entrer point en colère contre moi, mais de daigner considérer que si vous me donnez seulement ma forge, et non tous ces or, vins et viandes, vous vous pourriez peut-être contenter de faire brûler mon âme pendant mille ans, lequel temps n’est comparable à la toute longue éternité, mais paraît long assez toutefois à qui le doit passer emmi le feu. »

— « Ta forge à toi, ton âme à nous ; prends ou jette, forgeron, » dit la voix.

— « Ha, » lamenta Smetse, « c’est cher payé, soit dit sans vous fâcher, seigneur diable. »

— « Adoncques, forgeron, » dit la voix, « à richesse tu préfères gueuserie ? Fais à ton gré. Ha ! tu auras grande joie quand, pourmenant en Gand ta face mélancolique, tu seras fui de tous, et que les chiens te courront