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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/202

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Mais eux, non obstant ses cris, rangeaient les pains, viandes et fromages paisiblement.

Ce dont fut la femme bien plus hors de sens, et se fâchant : « Je vous le dis, » s’exclama-t-elle, « vous vous abusez : ne m’entendez-vous point ? vous faites erreur, ce n’est point céans qu’il vous faut être ; je dis céans, ici, en ce lieu, en la maison de Smetse le gueux, qui n’a pas un patar vaillant, qui ne vous payera point. Las ! ils ne veulent m’entendre. »

Et s’écriant de toute sa force : « Messieurs les marchands, vous êtes chez Smetse, le savez-vous ? Smetse le gueux ! Ne le dis-je assez hautement ? Jésus, Dieu, Seigneur ! chez Smetse le besoigneux ! Smetse le loqueteux ! Smetse le claquedent ! Smetse qui n’est riche, sinon en pouillerie ! qui ne vous paiera point, m’entendez-vous ? qui ne vous paiera point, point, point ! »

— « Femme, » disait le forgeron, « tu perds le sens, m’amie, ceci me concerne ; c’est moi qui ai céans mandé ces bons hommes. »

— « Toi ! » dit la femme, « toi ! mais tu es fol, mon homme : oui, il est fol, messieurs, fol tout à fait. Ah ! tu les a céans mandés ! Ha, tu fais céans emmener pains, jambons et fromages à tas, comme un riche, et tu sais ne pouvoir les payer, montrant ainsi ta mauvaise foi !