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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/230

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passent et repassent dans mon gosier, roulent dans ma poitrine déchirant mes chairs intérieures comme un porc-épic hérissé duquel les dards seraient de fer. — À chaque son, blessure nouvelle, plaie saignante : et toujours, toujours il me faut chanter, et ainsi il en sera durant la toute longue éternité. »

À ce propos, Smetse fut bien effrayé, considérant comme durement avait Dieu châtié Jacob Hessels, et il lui dit :

— « Buvez, messire ; cette bruinbier est baume aux gosiers meurtris. »

Soudain sonna la cloche.

— « Smetse, » dit le diable, « viens-t’en ; il est l’heure. »

Mais le bon forgeron, sans répondre, soupira bien profondément.

— « Quel mal te point ? » dit le diable.

— « Ha ! » dit Smetse, « je me lamente de votre vivacité : vous ai-je tant mal reçu céans que vous ne me voulez permettre d’aller, avant mon partement, accoler ma femme une fois dernière et de même mes bons manouvriers, et considérer mon beau prunier où sont prunes tant succulentes ? Ha ! je m’en voudrais rafraichir un petit avant d’aller ès lieux où est soif éternelle. »