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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/231

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— « Ne cuide point m’échapper, » dit le diable.

— « Je ne le voudrais, seigneur, » dit Smetse, « Suivez-moi, je vous en supplie bien humblement. »

— « Allons, » dit le diable, « mais non pour long temps. »

Étant au jardin, Smetse commença derechef à soupirer.

« Ha ! » dit-il, « voici mes prunes, messire ; vous plaît-il que je monte en manger mon soûl ? »

— « Monte, » dit le diable.

Smetse étant sus l’arbre commença manger fort goulûment et humant le jus avec grand bruit : « Ha ! » s’exclamait-il, « prunes de paradis ! prunes de chrétien, combien vous êtes grosses ! Prunes de prince, vous rafraîchiriez cent diables au brûlant parfond de l’enfer. Par vous, douces prunes, benoîtes prunes, est la soif chassée hors mon gosier ; par vous, aimables prunes, gentes prunes, décampe hors mon estomach l’aigre mélancolie ; par vous, fraiches prunes, prunes sucrées, entre en mon sang douceur infinie. Ha ! prunes succulentes, joyeuses prunes, prunes fées, que ne vous puis-je toujours sucer ! »

Et ce disant, Smetse sans cesse cueillait, mangeait, humait le jus.

— « Cancre. » dit le diable, « tu me fais ici venir