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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/24

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Pensant d’abord que ce fût quelque buveur, soi coucha bien paisiblement, nonobstant que l’on criât toujours endéans le clos : « Mouille, mouille ! je meurs de male soif ; » mais ce, si mélancoliquement, que Pieter Gans soi leva de force et vint à la fenêtre voir comment était bâti ce monsieur l’altéré, lequel criait si fort. Voyant flamme longue, claire, et de forme haute et étrange, courant sur le gazon, pensa que ce pouvait bien être la figure de quelque âme du purgatoire, en peine de prières. Donc récita plus de cent litanies ; mais en vain, car il entendit toujours crier : « Mouille, mouille ! je meurs de male soif. »

Au chant du coq, n’ouït rien davantage, et vit, avec grande joie, la flamme éteinte.

Venu que fut le jour, alla en l’église ; là narra le fait au curé, et fit dire belle messe pour le repos de la pauvre âme, bailla au clerc un peter d’or à cette fin qu’on en dit encore d’autres, et s’en revint réconforté.

Mais à la nuit suivante la voix se plaignit derechef aussi lamentablement qu’homme empêché à trépasser. Et ainsi pendant plusieurs nuits.

Ce dont Pieter Gans devint rêveur et assoté tout à fait.

Tel qui l’eût vu au temps jadis, rubicond, portant bonne bedaine et joyeux visage, chantant voulentiers