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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/243

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— « Baes, j’ai grande peine à porter, à moi seul, le fauteuil, tant il est lourd. »

Lors Smetse feignit entrer en colère et dit à ses manouvriers : « Ne l’entendez-vous point ? Il ne le peut seul porter. Allez l’aider, et s’il y faut dix d’entre vous, que dix y aillent. En hâte, doncques. Fi ! les malappris, ne voyez-vous que le noble duc se tient debout ? »

Aucuns manouvriers ayant obéi portèrent le fauteuil en la forge, et Smetse dit : « Placez-le derrière Monseigneur. N’y reste-t-il poussière ? Par Artevelde ! ils n’ont point frotté cette place. Je le ferai moi-même. Le voici net comme verre rincé fraîchement. Que votre Altesse daigne se seoir. »

Ce qu’ayant fait le diable, il regarda autour de lui avec grand orgueil et dédain. Mais le forgeron chut soudain à genoux et lui dit ricassant : « Sire duc, considérez devant vous le plus chétif de vos serviteurs, pauvre bonhomme vivant en chrétien, servant Dieu, honorant ses princes, et désirant, si telle est votre seigneuriale voulenté, persister en ce train de vie sept ans encore. »

— « Tu n’en auras une minute, » répondit le diable, viens-t’en, Flamand, viens-t’en. »

Et il se voulut lever du fauteuil, mais il ne le put. Et comme il y employait toute sa force, faisant mille