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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/251

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haquebutes à crocs et mousquets. Ils traîneront avec eux canons et en tireront sus nous, et mettront tout en morceaux, toi, moi, la forge et les manouvriers. Las ! tout sera moulu ! Et là où est présentement notre forge, ne sera plus qu’une triste poussière. Et les gens passant sus le quai diront en voyant la dite poussière : « Ci-gît la maison de Smetse le fol qui vendit son âme au diable. » Et je, étant ainsi morte, irai en paradis comme je l’ose espérer. Mais toi, mon homme : ha, malheur ineffable ! ils t’emporteront et traîneront par les feu, fumée, soufre, poix, huile bouillante, jusques au lieu épouvantable où sont punis ceux qui, ayant voulu trahir le pacte fait avec le diable, n’y furent point aidés par Dieu ou ses saints expressément. Pauvre petit bonhomme, mon doux compère, sais-tu ce qui t’est là gardé ? Ho ! un gouffre profond comme est haut le ciel, garni à ses horrifiques parois de pointes de roc saillantes, de fers de lances, d’horribles épées, de mille épouvantables hallebardes. Et sais-tu ce que c’est que ce gouffre, mon homme ? C’est le gouffre où l’on tombe toujours, m’entends-tu bien, toujours, toujours, déchiré aux rocs, taillé par les épées, ouvert par les hallebardes, toujours, toujours, pendant la toujours longue éternité. »

— « Mais, femme, » dit le forgeron, « vis-tu oncques l’abîme dont tu parles ? »