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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/267

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le sot forgeron ! Ils viendront céans derechef, oui ; et si je ne t’arrose de cette eau sainte et moi pareillement et tous les manouvriers, quel pourra dire les maux desquels ils nous géhenneront, las ! »

Et la femme besognait bien de son rameau, quand soudain par un fort tonnerre grondant sous la terre trembla le quai, se fendirent les pierres, frissèrent les vitres des maisons, s’ouvrirent toutes les portes, fenêtres et issues de la forge, et un vent chaud souffla.

« Ha, » s’exclama la femme, « les voici ; prie, mon homme ! »

Et de fait parut dans le ciel un homme nu et beau merveilleusement. Il était debout sur un char de diamant, traîné par quatre chevaux de feu. Et il tenait en sa main droite une bannière, et sus cette bannière il était écrit : « Plus beau que Dieu. » Et du corps de l’homme, lequel était chair lumineuse, sortaient beaux rayons éclairant la Lys, le quai et les arbres comme un soleil. Et lesdits arbres commencèrent osciller et tordre leurs troncs et branches, et tout le quai sembla se mouvoir comme navire sus la mer, et des milliasses de voix s’exclamèrent ensemblement : « Seigneur, nous crions vers toi notre faim et notre soif, seigneur, repais-nous, seigneur, rafraîchis-nous. » — « Ha, » s’exclama la femme, « voici monseigneur Lucifer et tous ses