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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/47

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— « Femmes, » demandèrent les buveurs, « vous voulez donc trinquer ? »

— « Oui, » dirent-elles.

— « Et boire d’autant ? »

— « Oui, » dirent-elles.

— « Et vous n’êtes point ici venues pour nous chanter chanson d’abstinence. »

— « Nenni, » dirent-elles, « nous sommes venues sans autre désir que de joindre nos bons maris et fiancés et rire avec, si faire se peut, à la garde de Dieu. »

— « Voici beaux propos assurément, » dit un vieil buveur, « mais je vois dessous poindre ruse de femme. »

Nul pourtant ne l’entendait, car les femmes s’étaient sises et tout autour de la table, chacun disait : « Bois çà, mie sucrée, c’est boisson céleste. » — « Verse, sommelier, verse, averse de cette tant douce liqueur. » — « Qui vaut plus que moi ? Je suis le duc : j’ai bonne bouteille et bonne femme. Or çà sus, boute ici du vin ; car il faut aujourd’huy liqueur dominicale pour bien fêter ces gentes commères. » — « Courage. J’en ai de trop pour boire : je veux aller conquêter la lune ; mais tantôt seulement. Pour l’heure, je demoure auprès de ma tant bonne femme. Baise-moi, mignonne. »

— « Ce n’est point l’instant ici, devant tant de gens, » répondaient les commères. Et chacune avec force ca-