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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/53

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Dent de fer, et enjoignit à chacune d’aller éveiller son mari.

À ce propos, les vieilles commencèrent s’exclamer comme folles : « Bienvenue la Dent de fer, la Dent de Dieu qui les va tous éventrer. Ha, les buveurs, nous vous allons voir, par punition céleste, court pendus, vifs brûlés, tôt noyés ; ce n’est trop pour votre péché. » Puis, comme si elles eussent eu ailes aux jambes, coururent en chaque maison. Là, maître Bredael, lequel était avec les jeunes sus la place demouré, ouït les folles vieilles ullant, geignant, plourant, vociférant, tabourinant sus les bahuts et casserolles, afin d’éveiller les bons hommes. Cependant elles leur criaient : « Pendards, éveillez-vous ! Amis doux, venez nous défendre. Ivrognes, faites votre devoir une fois seulement en votre damnée vie. Bedons chéris, nous voulez-vous trouver mortes demain. Il ne faut point demeurer rancuniers de ce que nous vous voulûmes battre. Sottes fûmes-nous pour lors et trop précipitées, sages fûtes-vous, mais sauvez-nous présentement. » Et ainsi mélangeaient elles paroles colères ou douces ensemble comme lait et vinaigre.

Mais nul bonhomme ne s’éveillait.

— « Qu’est-ce ceci ? » interrogea maître Bredael.

— « Las, Monsieur, » répondirent les jeunes, « vous le voyez assez, ils sont comme morts la nuit, et depuis long-