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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/91

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Ces grands clercs perdirent bien la moitié de leur seigneurie. Car à chacun au quelque fort voisin leur en robbait morceau.

Et ils procréèrent enfants maigres, chétifs et de face pâle, lesquels se mussaient ès coins, ainsi que font clercs, et là sus leur séant marmonnaient complaintes et litanies mélancoliquement.

Ainsi se perdirent les bons mâles en la famille.

Siewert Halewyn, c’est le méchant duquel je vais narrer l’histoire, fut autant comme eux laid, chétif, piteux et d’aigre trogne, voire même davantage.

Et aussi comme eux soi mussait et cachait ès coins voulentiers, fuyait les compagnies, ouyant rire entrait en rage, suait méchante humeur, oncques n’enlevait la tête ès cieux, comme gentil homme, mais contemplait ses patins sans cesse : plourait sans motif, geignait sans cause, et oncques n’avait de rien contentement. Au demourant était couard et cruel, prenant plaisir en ses jeunes ans, à gehenner, navrer, blesser chiennets et chattons, moineaux, fauvettes, pinsons, rossignols et toutes biestelettes.

Voire même étant jà grand à peine s’osait-il attaquer à loups, non obstant son bon épieu. Mais sitôt que la bête était chue il la perçait de cent coups comme enraigé.

Et ainsi vient-il jusques à l’âge de mariage.