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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/106

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et questionneur ; il n’a rien de cette pédanterie qu’on lui donne dans les journaux ; c’est un vrai petit garçon comme tous les petits garçons de douze ans. Je lui faisais compliment sur sa bonne mine à cheval : « Vous n’avez rien vu, me dit-il, il fallait me voir sur mon cheval noir ; il est méchant comme un diable ; il rue, il me jette par terre, je remonte, nous sautons la barrière. L’autre jour, il s’est cogné, il a la jambe grosse comme ça. N’est-ce pas que le dernier cheval que j’ai monté est joli ? mais je n’étais pas en train. »

Henri déteste à présent le baron de Damas, dont la mine, le caractère, les idées lui sont antipathiques. Il entre contre lui dans de fréquentes colères. À la suite de ces emportements, force est de mettre le prince en pénitence ; on le condamne quelquefois à rester au lit : bête de châtiment. Survient un abbé Moligny, qui confesse le rebelle et tâche de lui faire peur du diable. L’obstiné n’écoute rien et refuse de manger. Alors madame la dauphine donne raison à Henri, qui mange et se moque du baron. L’éducation parcourt ce cercle vicieux.

Ce qu’il faudrait à M. le duc de Bordeaux serait une main légère qui le conduisît sans lui faire sentir le frein, un gouverneur qui fût plutôt son ami que son maître.

Si la famille de saint Louis était, comme celle des Stuarts, une espèce de famille particulière chassée par une révolution, confinée dans une île, la destinée des Bourbons serait en peu de temps étrangère aux générations nouvelles. Notre ancien pouvoir royal n’est pas cela ; il représente l’ancienne royauté : le