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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/165

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

M. Alexandre Dumas a fait une traduction libre de l’ode latine de Lobkowitz sur le Sprudel :

Fons heliconianum, etc.
Fontaine consacrée aux hymnes du poète,
Quel est donc le foyer de ta chaleur secrète ?
D’où vient ton lit brûlant et de soufre et de chaux ?
La flamme dont l’Etna n’embrase plus les nues
S’ouvre-t-elle vers toi des routes inconnues,
Ou, voisine du Styx, fait-il bouillir tes eaux ?

Carlsbad est le rendez-vous ordinaire des souverains ; ils devraient bien s’y guérir de la couronne pour eux et pour nous.

On publie une liste quotidienne des visiteurs du Sprudel : sur les anciens rôles on lit les noms des poètes et des hommes de lettres les plus éclairés du Nord, Gurowsky, Dunker, Weisse, Herder, Gœthe ; j’aurais voulu y trouver celui de Schiller, objet de ma préférence. Dans la feuille du jour, parmi les arrivants obscurs, on remarque le nom de la comtesse de Marnes ; il est seulement imprimé en petites capitales.

En 1830, au moment même de la chute de la famille royale à Saint-Cloud, la veuve et les filles de Christophe[1] prenaient les eaux de Carlsbad. LL. MM. haï-

  1. Henri Christophe (1767-1820), esclave noir affranchi, hôtelier au Cap, se signala dans l’insurrection de Saint-Domingue (Haïti) en 1790, fut nommé général de brigade par Toussaint, défendit en 1802 le Cap contre les Français, fut nommé président en 1806 et, en 1811, se proclama roi du nord de l’île, sous le nom de Henri Ier. Il régna neuf ans. En 1820, une insurrection ayant éclaté parmi ses sujets et sa garde l’ayant abandonné, il se tua d’un coup de pistolet le 8 octobre 1820. Le roi Christophe avait créé une noblesse dont les dénominations, empruntées aux anciennes plantations de l’île, avaient amusé toute l’Eu-