Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ce maudit Égra, où nous arrivons, est la cause de mon malheur.

Les nuits sont funestes à Égra. Schiller nous montre Wallenstein trahi par ses complices, s’avançant vers la fenêtre d’une salle de la forteresse d’Égra : « Le ciel est orageux et troublé, dit-il, le vent agite l’étendard placé sur la tour ; les nuages passent rapidement sur le croissant de la lune qui jette à travers la nuit une lumière vacillante et incertaine. »

Wallenstein, au moment d’être assassiné, s’attendrit sur la mort de Max Piccolomini, aimé de Thécla : « La fleur de ma vie a disparu ; il était près de moi comme l’image de ma jeunesse. Il changeait pour moi la réalité en un beau songe. »

Wallenstein se retire au lieu de son repos : « La nuit est avancée ; on n’entend plus de mouvement dans le château : allons ! que l’on m’éclaire ; ayez soin qu’on ne me réveille pas trop tard ; je pense que je vais dormir longtemps, car les épreuves de ce jour ont été rudes. »

Le poignard des meurtriers arrache Wallenstein aux rêves de l’ambition, comme la voix du préposé à la barrière a mis fin à mon rêve d’amour. Et Schiller, et Benjamin Constant (qui fit preuve d’un talent nouveau en imitant le tragique allemand[1]), sont allés rejoindre Wallenstein, tandis que je rappelle aux portes d’Égra leur triple renommée.

  1. Benjamin Constant a donné, en 1809, une imitation estimée de la trilogie de Wallenstein, de Schiller.