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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/31

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

treprise qui lui faisait tout perdre ne m’éloignait pas. Jouer un trône, la gloire, l’avenir, une destinée, n’est pas chose vulgaire : le monde comprend qu’une princesse peut être une mère héroïque. Mais ce qu’il faut vouer à l’exécration, ce qui n’a pas d’exemple dans l’histoire, c’est la torture impudique infligée à une faible femme, seule, privée de secours, accablée de toutes les forces d’un gouvernement conjuré contre elle, comme s’il s’agissait de vaincre une puissance formidable. Des parents livrant eux-mêmes leur fille à la risée des laquais, la tenant par les quatre membres afin qu’elle accouche en public ; appelant les autorités du coin, les geôliers, les espions, les passants, pour voir sortir l’enfant des entrailles de leur prisonnière, de même qu’on avait appelé la France à voir naître son roi ! Et quelle prisonnière ? la petite-fille de Henri IV ! Et quelle mère ? la mère de l’orphelin dont on occupe le trône ! Trouverait-on dans les bagnes une famille assez mal née pour avoir la pensée de flétrir un de ses enfants d’une telle ignominie ? N’eût-il pas été plus noble de tuer madame la duchesse de Berry que de lui faire subir la plus tyrannique humiliation ? Ce qu’il y a eu d’indulgence dans cette lâche affaire appartient au siècle, ce qu’il y a eu d’infâmant appartient au gouvernement.

La lettre et la note de madame la duchesse de Berry sont remarquables par plus d’un endroit : la partie relative à la réunion de la Belgique et au mariage de Henri V montre une tête capable de choses sérieuses ; la partie qui concerne la famille de Prague est touchante. La princesse craint d’être obligée de s’arrêter en Italie pour se remettre un peu et ne pas