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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/32

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

trop effrayer de son changement ses pauvres enfants. Quoi de plus triste et de plus douloureux ! Elle ajoute : « Je vous demande, ô monsieur de Chateaubriand ! de porter à mes chers enfants l’expression de toute ma tendresse, etc. »

Ô madame la duchesse de Berry ! que puis-je pour vous, moi faible créature déjà à moitié brisée ? Mais comment refuser quelque chose à ces paroles : « Renfermée dans les murs de Blaye, je trouve une consolation à avoir un interprète tel que monsieur de Chateaubriand ; il peut à jamais compter sur mon attachement. »

Oui : je partirai pour la dernière et la plus grande de mes ambassades ; j’irai de la part de la prisonnière de Blaye trouver la prisonnière du Temple ; j’irai négocier un nouveau pacte de famille, porter les embrassements d’une mère captive à des enfants exilés, et présenter les lettres par lesquelles le courage et le malheur m’accréditent auprès de l’innocence et de la vertu.

Une lettre pour madame la Dauphine et un billet pour les deux enfants étaient joints à la lettre qui m’était adressée.

Il m’était resté de mes grandeurs passées un coupé, dans lequel je brillais jadis à la cour de George IV, et une calèche de voyage, autrefois construite à l’usage du prince de Talleyrand. Je fis radouber celle-ci, afin de la rendre capable de marcher contre nature : car, par son origine et ses habitudes, elle est peu disposée à courir après les rois tombés[1]. Le 14

  1. Un jour, montrant à M. de Marcellus, la calèche de M. de