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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/320

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

avait tant pleuré ! comment aurais-je pu résister au courage, à l’adversité, à la grandeur déchue, réduits à se cacher sous ma protection ! Une autre princesse, madame la dauphine, m’avait aussi remercié de mes inutiles services : Carlsbad et Ferrare étaient deux exils de divers soleils, et j’y avais recueilli les plus nobles honneurs de ma vie.

Madame partit d’assez grand matin, le 19, pour Padoue, où elle me donna rendez-vous ; elle devait s’arrêter au Catajo, chez le duc Modène. J’avais cent choses à voir à Ferrare, des palais, des tableaux, des manuscrits, il fallut me contenter de la prison du Tasse. Je me mis en route quelques heures après Son Altesse Royale. J’arrivai de nuit à Padoue. J’envoyai Hyacinthe chercher à Venise mon mince bagage d’écolier allemand, et je me couchai tristement à l’Étoile d’or, qui n’a jamais été la mienne.

Padoue, 20 septembre 1833.

Le vendredi, 20 septembre, je passai une partie de la matinée à écrire à mes amis mon changement de destination. Arrivèrent successivement les personnes de la suite de Madame,

N’ayant plus rien à faire, je sortis avec un cicerone. Nous visitâmes les deux églises de Sainte-Justine et de Saint-Antoine de Padoue. La première, ouvrage de Jérôme de Brescia, est d’une grande majesté : du bas de la nef, on n’aperçoit pas une seule des fenêtres percées très-haut, de sorte que l’église est éclairée sans qu’on

    une longue lettre et des détails. Rien ne m’a plus coûté dans ma vie que ce dernier sacrifice, si ce n’est celui de ma démission de Rome. »