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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/379

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

seaux du lac de Rieti le suivaient. Il était dans la joie quand il rencontrait des troupeaux de moutons ; il en avait une grande compassion : « Mes frères, leur disait-il, venez à moi. » Il rachetait quelquefois avec ses habits une brebis que l’on conduisait au boucher ; il se souvenait de l’agneau très doux, illius memor agni mitissimi, immolé pour le salut des hommes. Une cigale habitait une branche de figuier près de sa porte à la Portiuncule ; il l’appelait ; elle venait se reposer sur sa main et il lui disait : « Ma sœur la cigale, chante le Dieu ton créateur. » Il en usa de même avec un rossignol et fut vaincu aux concerts par l’oiseau qu’il bénit, et qui s’envola après sa victoire. Il était obligé de faire reporter au loin dans les bois les petits animaux sauvages qui accouraient à lui et cherchaient un abri dans son sein. Quand il voulait prier le matin, il ordonnait le silence aux hirondelles, et elles se taisaient. Un jeune homme allait vendre à Sienne des tourterelles ; le serviteur de Dieu le pria de les lui donner, afin qu’on ne tuât pas des colombes qui, dans l’Écriture, sont le symbole de l’innocence et de la candeur. Le saint les emporta à son couvent de Ravacciano : il planta son bâton à la porte du monastère ; le bâton se changea en un grand chêne vert ; le saint y laissa aller les tourterelles et leur commanda d’y bâtir leur nid, ce qu’elles firent pendant plusieurs années.

François mourant voulut sortir du monde nu comme il y était entré ; il demanda que son corps dépouillé fût enterré dans le lieu où l’on exécutait les criminels, en imitation du Christ qu’il avait pris pour modèle. Il dicta un testament tout spirituel, car il n’a-