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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/484

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

comme nous appartenant ; nous nous le présumons naturel, quoiqu’il ne nous le soit pas ; il nous est venu de notre ancienne foi, à prendre celle-ci à deux ou trois degrés d’ascendance au-dessus de nous. Tel esprit indépendant qui s’occupe du perfectionnement de ses semblables n’y aurait jamais pensé si le droit des peuples n’avait été posé par le Fils de l’homme. Tout acte de philanthropie auquel nous nous livrons, tout système que nous rêvons dans l’intérêt de l’humanité, n’est que l’idée chrétienne retournée, changée de nom et trop souvent défigurée : c’est toujours le verbe qui se fait chair !

Voulez-vous que l’idée chrétienne ne soit que l’idée humaine en progression ? J’y consens ; mais ouvrez les diverses cosmogonies, vous apprendrez qu’un christianisme traditionnel a devancé sur la terre le christianisme révélé. Si le Messie n’était pas venu et qu’il n’eût point parlé, comme il le dit de lui-même, l’idée n’aurait pas été dégagée, les vérités seraient restées confuses, telles qu’on les entrevoit dans les écrits des anciens. C’est donc, de quelque façon que vous l’interprétiez, du révélateur ou du Christ que vous tenez tout ; c’est du Sauveur, Salvator, du Consolateur, Paracletus, qu’il vous faut toujours partir ; c’est de lui que vous avez reçu les germes de la civilisation et de la philosophie.

Vous voyez donc que je ne trouve de solution à l’avenir que dans le christianisme et dans le christianisme catholique ; la religion du Verbe est la manifestation de la vérité, comme la création est la visibilité de Dieu. Je ne prétends pas qu’une rénovation générale ait absolument lieu, car j’admets que des peuples