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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/485

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

entiers soient voués à la destruction ; j’admets aussi que la foi se dessèche en certains pays : mais s’il en reste un seul grain, s’il tombe sur un peu de terre, ne fût-ce que dans les débris d’un vase, ce grain lèvera, et une seconde incarnation de l’esprit catholique ranimera la société.

Le christianisme est l’appréciation la plus philosophique et la plus rationnelle de Dieu et de la création ; il renferme les trois grandes lois de l’univers, la loi divine, la loi morale, la loi politique : la loi divine, unité de Dieu en trois personnes ; la loi morale, charité ; la loi politique, c’est-à-dire, liberté, égalité, fraternité.

Les deux premiers principes sont développés ; le troisième, la loi politique, n’a point reçu ses compléments, parce qu’il ne pouvait fleurir tandis que la croyance intelligente de l’être infini et la morale universelle n’étaient point solidement établies. Or, le christianisme eut d’abord à déblayer les absurdités et les abominations dont l’idolâtrie et l’esclavage avaient encombré le genre humain.

Des personnes éclairées ne comprennent pas qu’un catholique tel que moi s’entête à s’asseoir à l’ombre de ce qu’elles appellent des ruines ; selon ces personnes, c’est une gageure, un parti pris. Mais dites-le-moi, par pitié, où trouverai-je une famille et un Dieu dans la société individuelle et philosophique que vous me proposez ? Dites-le-moi et je vous suis ; sinon, ne trouvez pas mauvais que je me couche dans la tombe du Christ, seul abri que vous m’avez laissé en m’abandonnant.

Non, je n’ai point fait une gageure avec moi-même ;