Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/578

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
562
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Au printemps de 1845, Chateaubriand voulut revoir une dernière fois son jeune roi. Il se rendit donc à Venise à la fin de mai et passa quelques jours auprès du comte de Chambord. En le voyant partir dans l’état de faiblesse où le réduisaient les infirmités, ses amis de Paris s’étaient fort inquiétés du voyage. Il le supporta beaucoup mieux qu’on ne l’avait espéré. Le prince le décida à prolonger un peu son séjour.

J’allais partir, écrit-il (Venise, juin 1845) ; les embrassements et les prières du jeune prince me retiennent. Mes jours sont à lui, et quand il ne demande qu’un sacrifice de vingt-quatre heures, où sont mes droits pour le refuser ?

Si les fêtes de l’exil sont rares, la famille royale de France en connut cependant quelques-unes. Le 11 novembre 1845 on célébra, à Froshdorf, le mariage de S. A. R. Mademoiselle avec M. le prince héréditaire de Lucques, comme elle de race royale, comme elle issu de la Maison de Bourbon. C’était cette princesse Louise, sœur du duc de Bordeaux, que Chateaubriand avait vue à Prague au mois de mai 1833[1], et dont il avait alors tracé ce portrait :

Mademoiselle rappelle un peu son père : ses cheveux sont blonds ; ses yeux bleus ont une expression fine… Toute sa personne est un mélange de l’enfant, de la jeune fille et de la princesse : elle regarde, baisse les yeux, sourit avec une coquetterie naïve mêlée d’art ; on ne sait si on doit lui dire des contes de fées, lui faire une déclaration ou lui parler avec respect comme à une reine. La princesse Louise joint aux talents d’agréments beaucoup d’instruction…

À la première annonce du mariage, les royalistes bretons décidèrent d’offrir à la princesse un cadeau, produit de l’industrie locale. Ils prièrent Chateaubriand de le porter à Froshdorf et de le remettre en leur nom. « Je dois, dit-il à leur délégué, M. Thibault de la Guichardière,

  1. La princesse Louise-Marie-Thérèse de Bourbon et d’Artois, fille du duc et de la duchesse de Berry, était née le 19 septembre 1819. Elle était donc, en 1833, dans sa quatorzième année.