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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/102

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contenterai de ces crayons pour enfants que votre aimable vendeuse m’a offerts.

En effet, il retourna au comptoir, l’air grave et contrit, et fit solennellement son emplette.

— Puis-je faire quelque chose d’autre pour vous être agréable ? s’enquit le Directeur.

— Rien, dit Murrel d’une manière exceptionnellement sombre. Je reconnais parfaitement que vous ne pouvez rien faire. Que diable ! Il n’y a peut-être rien à faire !

— Qu’avez-vous donc ? demanda Harker.

— Je commence à avoir des douleurs dans la tête, dit Murrel. Elles sont sans doute héréditaires, elles reviennent par intervalles et ont des résultats effrayants. Je craindrais la répétition de scènes déplorables… Tous ces chevalets plantés là… Merci… Adieu !

Il se rendit — ce n’était pas la première fois — au Chien tacheté. Là, il eut une chance exceptionnelle. Il mit la conversation sur le sujet toujours attrayant des verres cassés, sentant vaguement que si un homme comme Hendry allait souvent dans un cabaret, il avait dû y casser quelque chose. Il fut bien reçu. Son aspect simple et cordial eut tôt fait de créer une atmosphère sympathique où les souvenirs ne demandaient qu’à s’épanouir. La jeune fille du comptoir se rappela le monsieur qui avait cassé un verre ; le patron se le rappela mieux encore, ayant discuté avec lui le paiement de ce verre. À eux deux ils évoquèrent un portrait nébuleux, des cheveux ébouriffés, des vêtements usés et de longues mains toujours en mouvement.

— Le Docteur Hendry, c’est ainsi qu’il s’appelait lui-même, dit le tenancier. Je ne sais vraiment pas pourquoi, si ce n’est parce qu’il y avait de la chimie