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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/156

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que vous vous sentez plus à votre aise dans ces habits ?

— Eh ! bien sûr ! s’écria-t-il avec une sorte de ravissement, tout à fait à mon aise. Que de choses sont aisées et naturelles, que pourtant je n’ai jamais faites de ma vie. Il est naturel de porter la tête haute, et je ne l’avais jamais fait. Je mettais toujours mes mains dans mes poches, ce qui vous fait sottement pencher en avant. Maintenant je passe mes mains dans mon ceinturon, et je me sens plus grand de dix centimètres. Regardez cet épieu !

Il continuait à circuler avec l’épieu à sanglier que le Roi Richard portait en qualité d’habitant des forêts. Il planta l’épieu dans le gazon pour attirer l’attention de Rosamund :

— Sitôt qu’on commence à porter un objet de cette sorte, on comprend pourquoi les hommes avaient coutume de porter de longs bâtons, des lances ou des piques, des bourdons de pèlerins ou des crosses d’évêques. On peut les tenir à longueur de bras et redresser la tête, comme si on portait un cimier. Les misérables petites cannes modernes sur lesquelles on se penche, on croirait s’appuyer sur des béquilles. Eh ! oui, c’est bien cela : tout notre monde s’appuie sur des béquilles, comme un estropié qu’il est…

Il s’arrêta brusquement et regarda Rosamund avec une sorte de timidité :

— Mais vous… Je pensais justement que vous devriez marcher avec un sceptre pareil à une lance… Mais naturellement, si vous blâmez tout ceci…

— Je ne suis pas sûre, dit-elle de cette manière lente et un peu hésitante qui contrastait parfois avec sa décision et sa volubilité habituelles, je ne suis pas sûre de le désapprouver.