Aller au contenu

Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand Rosamund était arrivée vers le petit groupe où Herne discutait avec Braintree, tout le monde, y compris les deux antagonistes, s’attendait à la voir réduire en poudre cette absurde discussion. On pensait qu’elle dirait au bibliothécaire de courir se changer, comme à un vilain petit garçon qui est tombé dans un étang ; mais ces créatures déconcertantes et presque fabuleuses qu’on appelle des êtres humains n’agissent pas toujours comme on s’y attendrait.

Rosamund Severne, bien qu’elle fût née seulement à l’ombre d’une couronne ducale, eût été digne de porter une couronne royale. Elle semblait faite pour se mouvoir sur un magnifique fond de rivière, de terrasses et de ruines historiques, et la mascarade moyen-âge qu’elle avait entreprise s’accordait fort bien à sa personne. Aux yeux visionnaires du bibliothécaire, elle n’était pas moins une princesse sous ses vêtements habituels que dans ce costume médiéval. Mais, si Michaël Herne avait eu plus de connaissance du monde, il aurait reconnu en Rosamund un type qu’on rencontre dans des cadres très différents. La vallée verdoyante et la grise abbaye se seraient évanouies à ses yeux pour faire place à des bureaux, des machines à écrire et de mornes fichiers. Il aurait reconnu dans ce visage carré, ces yeux graves et honnêtes, un type très moderne et très répandu dans notre monde contemporain. Cette jeune femme se rencontre partout où elle est nécessaire pour soutenir l’inexpérience hésitante d’hommes comme Herne. Secrétaire d’une Compagnie de colonisation sous-marine, elle explique fermement à une longue file de gens venus aux renseignements qu’il y a dans la mer place pour plus d’hommes qu’elle n’en a jamais engloutis. Administrateur de la Société des pavages