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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/166

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et de l’artillerie, et ce qui est encore plus efficace, avec des livres sterling, des shillings et des pence. Il faut le soutenir comme nous n’avons jamais rien soutenu de notre vie. Seigneur ! Qu’un homme de mon âge vive assez pour voir la brèche faite dans le front ennemi et la cavalerie prête à charger ! Plus tôt nous commencerons, mieux cela vaudra. Où sont-ils ?

— Vous pensez vraiment qu’il y a quelque chose à faire avec des fous pareils ?

— En admettant qu’ils le soient, riposta Eden, suis-je donc un imbécile de penser qu’on ne peut rien faire sans se servir des fous ?

Lord Seawood fit un effort pour se ressaisir, mais il restait toujours bouche bée.

— Vous pensez qu’une politique nouvelle, j’ose à peine dire une politique populaire, peut-être plutôt une politique anti-populaire, mais qui réussirait…

— Les deux si cela vous plaît, dit l’autre. Pourquoi pas ?

— J’ai peine à croire que la populace puisse prendre intérêt à une théorie aussi compliquée, aussi antique, sur la chevalerie.

— Avez-vous jamais réfléchi, demanda Lord Eden en le regardant de haut, au sens du mot chevalerie ?

— Parlez-vous du sens dérivé ? demanda le vieux gentilhomme.

— Non, du sens étymologique : au fond, ce que le peuple aime, c’est un homme qui monte à cheval, — et peu leur importe le cheval. Donnez au peuple abondance de distractions : des tournois, des courses ; panem et circenses, mon garçon — cela suffira pour le côté populaire de la politique. Si nous pouvions mobiliser tous ceux qui vont voir courir le Derby, nous pourrions endiguer le Déluge.