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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/173

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passionnaient pour autre chose. Elles ressemblaient un peu aux élections qui ont lieu pendant une grande guerre.

En effet, la grande grève qui rassemblait tous les ouvriers de la Couleur et de la Teinturerie, avec des grèves de solidarité parmi d’autres corps de métiers du Goudron et du Charbon, avait Milldyke pour quartier-général et John Braintree pour meneur. Mais c’était bien autre chose qu’une grève locale et limitée. Ce n’était pas une de ces grèves que les membres des classes aisées ont pris l’habitude de supporter en grognant, comme une des rançons de leur bien-être. C’était quelque chose d’entièrement neuf, contre quoi ces hommes, très naturellement et peut-être avec raison, élevaient des protestations vives et même acerbes.

Au moment même où Herne était occupé comme un moine du Moyen-Âge dans sa cellule du bureau de vote, Braintree remplissait les halles de Milldyke de sa voix de tonnerre, prononçant le discours le plus sensationnel de sa carrière. Il ne réclamait plus, comme aux premiers jours de cette histoire, ce qu’il appelait « la reconnaissance ». Il réclamait le « contrôle ».

— Vos maîtres vous disent, grondait-il, que vous êtes des matérialistes, avides seulement de salaires plus élevés. Ils ont raison. Vos maîtres vous disent que vous manquez d’idéal et que vous n’avez ni l’ambition ni l’instinct du gouvernement. Ils ont raison. Ils en concluent que vous êtes des esclaves et des bêtes de somme, que vous ne voulez que manger les réserves et échapper aux responsabilités : ils ont raison. Ils auront raison aussi longtemps que vous vous contenterez de demander des salaires, de la nourriture, une bonne paye. Mais montrons à nos