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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/195

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qui ne peuvent s’empêcher de tenir compte du bien et du mal.

Puis, après un long silence, il ajouta :

— Je pense que vous avez foi en Herne et en toute sa renaissance de chevalerie ?

— Je n’ai jamais cru en sa chevalerie, avant qu’il ait affirmé sa foi en la vôtre.

— C’est très bien à lui, dit Braintree sérieusement ; c’est un homme loyal. Mais je crois que ses compliments me feraient un grand tort dans mon propre camp. Certains mots sont devenus le symbole de tout autre chose parmi nos gens.

— Je pourrais répondre à vos gens, dit-elle, un peu comme vous m’avez répondu. Je sais qu’on me trouve vieux-jeu, et que vos amis sont tous nouveau-jeu. Cela m’irrite contre eux, j’ai envie de les insulter en les traitant de gens à la mode. Oui, ils suivent des modes, comme on fait dans les salons, avec toutes ces questions qu’ils soulèvent sur la femme qui doit vivre sa vie, sur l’égalité des sexes et tout ce qui s’ensuit. Ils parlent des femmes qui pensent par elles-mêmes ! Des femmes qui se tirent d’affaire toutes seules ! Combien y a-t-il de femmes de vos socialistes qui fassent campagne contre le socialisme ? Combien y a-t-il de femmes mariées à des membres du Labour-Party qui votent contre eux au scrutin ou qui parlent contre eux dans les réunions publiques ? Les neuf dixièmes de vos femmes révolutionnaires ne font que suivre des révolutionnaires masculins. Mais moi, je suis indépendante ; je pense par moi-même ; je vis ma vie, comme ils disent, et c’est une vie bien misérable. Je ne me mets pas à la suite d’un révolutionnaire.

Il y eut de nouveau un long silence, un de ces silences qui durent parce qu’il est inutile ou impossible