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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/211

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— Mon cher Singe, qu’avez-vous ? Vous avez l’air tout à fait maussade quand tous les autres sont contents.

— Ce n’est pas si disgracieux que d’être content quand les autres sont maussades, répondit Murrel. Mais si vous me demandez « Êtes-vous satisfait ? », votre perspicacité a bien vu que je ne le suis pas. Vous venez de dire que nous avions besoin d’un homme à poigne en Angleterre. Moi, je dirais que le seul endroit où l’on n’ait jamais eu besoin d’un homme à poigne, c’est l’Angleterre. Je ne me rappelle qu’un individu qui ait tâté du métier, c’est ce pauvre vieux Cromwell. Et le résultat, c’est que nous l’avons déterré pour le pendre après sa mort ; et nous avons été fous de joie pendant un mois, parce que le trône revenait à un homme faible — ou que nous croyions tel. Soit révolutionnaires, soit réactionnaires, ces procédés extrêmes ne nous conviennent pas le moins du monde. Les Français et les Italiens ont des frontières et ont tous des instincts militaires. Le mot d’autorité ne leur semble pas humiliant ; l’homme n’est qu’un homme, mais il commande parce qu’il est le Chef. Nous ne sommes pas assez démocrates pour avoir un dictateur. Notre peuple aime à être gouverné par des gentlemen. Mais personne ne supporterait la pensée d’être gouverné par un seul gentleman ; cette idée est trop horrible !

— Je ne comprends pas exactement ce que vous voulez dire, fit Archer mécontent ; mais je me plais à dire que Herne sait parfaitement ce qu’il veut. Et il a rudement bien fait comprendre à ces gens-là aussi ce qu’il veut.

— Mon bon ami, dit Murrel, il faut un peu de tout pour faire un monde. Je ne m’extasie pas sur les