Aller au contenu

Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gentlemen, comme vous savez ; ils sont bien souvent empaillés ; mais les gentlemen se sont arrangés pour gouverner assez brillamment cette île pendant trois cents ans, et ils y ont réussi parce que personne n’a jamais compris leurs intentions. Ils pouvaient commettre une erreur un jour et la réparer le lendemain, sans qu’on en sache rien. Mais ils n’allaient jamais assez loin dans une direction pour se rendre la retraite impossible. Ils étaient toujours à céder ici, à modifier là ; à raccommoder les choses d’une façon ou d’une autre. C’est peut-être un spectacle épatant de voir Herne charger avec toute sa Chevalerie ; mais s’il veut charger, il ne pourra pas battre en retraite. S’il fait figure de héros à nos yeux, il fera figure de tyran aux yeux des autres. Tandis que l’essence même de notre vieille politique aristocratique était qu’un tyran même ne doit jamais faire figure de tyran ; il peut briser les clôtures de tout le monde, mais il est obligé de le faire par un Acte du Parlement, et non pas avec un grand sabre à deux mains. Et s’il rencontre les gens dont il s’est débarrassé, il faut qu’il soit très poli avec eux et qu’il demande des nouvelles de leurs rhumatismes. C’est cela qui a maintenu la Constitution britannique : demander des nouvelles des rhumatismes. S’il commence par pocher les yeux des gens ou par leur faire des balafres sanglantes, on se rappellera ces choses tout autrement, qu’il ait raison ou non dans sa querelle. Et du diable si Herne a raison autant qu’il le croit, dans le cas présent, car c’est un esprit simpliste !

— Eh bien ! fit Archer, vous n’êtes pas un frère d’armes bien enthousiaste !

— Quant à cela, dit Murrel, je ne sais pas si je suis un frère d’armes, mais je ne suis pas un enfant, et Herne en est un !