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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/213

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— Vous voilà bien ! remarqua Archer exaspéré. Vous preniez sa défense quand il était frivole.

— Et vous, vous l’injuriiez sans cesse tant qu’il était inoffensif, répliqua Murrel, vous le traitiez tout le temps de lunatique. Personnellement, j’aime assez les lunatiques. Ce dont je me plains, c’est que vous vous êtes tous mis à pivoter autour de lui parce qu’il est devenu un fou dangereux !

— Il réussit assez bien pour un fou.

— C’est la seule espèce dangereuse. C’est pour cela que je l’appelle un petit enfant, auquel il ne devrait pas être permis de porter les armes. Tout est trop simple pour lui. Son succès même est trop simple. Il voit tout en noir sur blanc. D’un côté, ce besoin de restaurer l’ordre sacré et une hiérarchie chevaleresque ; de l’autre des barbares hurlants et l’anarchie aveugle. Il réussira ; il a déjà réussi. Il tiendra sa Cour et imposera sa sentence, et viendra à bout de l’insurrection ; et vous ne vous apercevrez pas qu’un nouveau chapitre d’histoire a commencé. Nos chefs de parti ont toujours été réconciliés par l’histoire ; Pitt et Fox ont leurs statues côte à côte. Mais vous êtes en train de lancer une double histoire, celle des vainqueurs et celle des vaincus. Herne va rendre sa sentence. Elle sera portée aux nues par tous les organes de l’État, comme un jugement de Mansfield, mais Braintree répondra par une défense ou un défi, dont tous les rebelles se souviendront comme du dernier speech de Emmett. Vous faites du nouveau : une épée qui divise et un bouclier à deux faces. Ce n’est pas l’Angleterre, ce n’est pas nous-mêmes. C’est Alva, héros pour les catholiques et épouvantail pour les protestants ; c’est Frédéric, le père de la Prusse et l’assassin de la Pologne. Quand vous verrez Braintree condamné par ce tribunal, vous ne com-