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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/229

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envers vous, ni envers la Loi que j’ai juré d’exposer. Ce n’est rien pour moi de descendre de ce siège, mais c’est tout de dire la vérité pendant que je l’occupe. Et que vous haïssiez la vérité ou non, c’est moins que rien.

— Vous avez toujours été un cabotin ! cria Julian Archer avec colère.

Un sourire étrange passa sur le visage pâle du Juge.

— Là, dit-il, vous vous méprenez. Je n’ai pas toujours été un cabotin ; j’étais un personnage bien humble et stupide, jusqu’au jour où vous avez eu besoin de moi et fait de moi un cabotin. Mais j’ai trouvé que la pièce que vous jouiez était beaucoup plus réelle que la vie que vous meniez. Les vers que nous récitions par jeu sur cette pelouse étaient bien plus près de la vie que toute la vie que vous meniez alors.

Les mauvais rois trônent à l’aise sous leurs dais.
L’habitude guérit de la honte, mais quelle panique déchaînée
quelle sauvage et pâle terreur, si jamais un Roi était bon !
Quel ébranlement dans les cieux, quel prodige !
Les hommes supportent facilement un maître injuste,
nul homme ne veut endurer un maître juste.
Ses nobles se soulèvent, ses chevaliers le trahissent,
Et il s’en va, comme je m’en vais, seul !

Il descendit brusquement de l’estrade et parut plus grand de sa chute.

— Si je cesse d’être Roi ou Juge, cria-t-il, je serai toujours un Chevalier, quand ce serait, comme dans la pièce, un Chevalier Errant, Mais vous, vous serez tous des cabotins ! Vagabonds et fripons, où avez-vous volé vos éperons ?