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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/231

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Il leur tourna le dos, et son regard égaré parut errer çà et là autour du trône vide.

— Avez-vous perdu quelque chose ? demanda Murrel.

— J’ai tout perdu, répondit Herne.

Puis il vit ce qu’il cherchait ; il ramassa le grand épieu qui accompagnait son costume de forestier, et s’en alla à grands pas vers la grille du parc.

Murrel resta un moment à le regarder, et puis, mû par une impulsion nouvelle, courut après lui en l’appelant par son nom. L’homme en vert se retourna et le regarda avec un visage pâle et souffrant.

— Dites, fit Murrel, puis-je venir avec vous ?

— Pourquoi viendriez-vous avec moi ? demanda Herne sans impolitesse, mais comme s’il s’adressait à un étranger.

— Ne me connaissez-vous pas ? Ne savez-vous pas mon nom ? Au fait, vous ne savez peut-être pas mon vrai nom ?

— Que voulez-vous dire ?

— Mon nom, dit l’autre, est Sancho Pança.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Vingt minutes plus tard, sortait du domaine de Seawood un cortège bien fait pour montrer que le grotesque suit de près le fantastique. Car Douglas Murrel pour rien au monde n’aurait perdu sa faculté de jouir de l’absurde avec une parfaite gravité. Sitôt que Murrel eut obtenu le poste d’écuyer qu’il avait sollicité, il disparut derrière le hangar voisin et reparut, perché au sommet de son célèbre hansom-cab, conduisant son absurde cheval de fiacre. Du haut de son perchoir, avec la déférence d’un serviteur bien stylé, il eut l’air d’inviter son nouveau maître à monter dans le cab. Pour pousser plus loin encore le mélange du sublime et du ridicule, voici que le