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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/244

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série de conférences historiques par M. Herne, au sommet du cab, et le seconda par des commentaires, plus ou moins respectueux pour le conférencier, qui firent de la tournée un véritable succès. Mais, bien que l’écuyer ait pu manquer parfois de sérieux, il est probable, au total, qu’ils firent beaucoup de bien. Ils entrèrent en conflit avec la police, ce qui est en soi-même presque un signe de sainteté ; ils cherchèrent querelle à un assez grand nombre de particuliers, mais qui avaient grand besoin d’être mis à la raison. Herne du moins était entièrement convaincu de la haute utilité sociale de son entreprise. Devenu plus triste, et peut-être plus sage, il avait de longues causeries avec son ami, au cours desquelles il ne cessait jamais de plaider pour Don Quichotte et de démontrer qu’il devait revenir parmi nous. La plus mémorable eut lieu tandis qu’ils étaient assis sous une haie, dans un chemin du Sussex.

— On dit que je suis rétrograde et que je vis dans ces temps dont rêvait Don Quichotte, dit Herne. Ils oublient qu’eux-mêmes sont en retard de trois cents ans au moins, et qu’ils vivent au temps où Cervantès rêvait de Don Quichotte. Ils vivent encore dans la Renaissance, en ce temps où Cervantès croyait voir renaître le monde. Mais je prétends qu’un bébé de trois cents ans est déjà assez avancé en âge. Il serait temps qu’il naisse de nouveau.

— Doit-il renaître en Chevalier Errant du Moyen-Âge ? demanda Murrel.

— Pourquoi pas ? répliqua l’autre. L’homme de la Renaissance est bien un Grec ancien. Cervantès croyait que le romanesque se mourait et que la raison pouvait prendre sa place. Mais je dis qu’à notre époque, c’est la raison qui se meurt : et sa vieillesse est certainement moins respectable que celle du Roman.