Aller au contenu

Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous avez fait la meilleure plaisanterie depuis trois cents ans, dit-il.

— Je ne la vois pas, dit Herne pensivement. Est-il possible de faire une bonne plaisanterie et de ne pas s’en apercevoir ? Mais quant à ce que vous venez de dire, ne pensez-vous pas qu’il y a prescription ? Aimeriez-vous à redescendre, — à redescendre vers l’Ouest ?

Les sourcils de Murrel se froncèrent avec embarras :

— La vérité, c’est que j’évitais plutôt d’être trop près d’elle — et de parler d’elle. Je pensais que vous…

— Je connais cela, en effet, répondit Herne. Pendant longtemps, c’est à peine si j’osais regarder par une fenêtre orientée de ce côté. J’avais besoin de tourner le dos au vent d’Ouest, et les rayons du soleil couchant me brûlaient comme un fer rouge. Mais on devient plus calme à mesure que les années s’écoulent, si on ne devient pas plus joyeux. Je n’oserais pas aller jusqu’au château, mais je serais bien content d’avoir des nouvelles de — de quelqu’un.

— Oh ! si nous y allons, dit Murrel gaîment, je me charge d’entrer et de me renseigner.

— Voulez-vous dire entrer — dans Seawood Abbey ?

— Oui, répondit Murrel brièvement ; je crois bien que nous sommes logés à la même enseigne. Et j’ai peur de trouver l’autre maison plus dure à forcer.

Ils achevèrent de combiner leur programme par un accord tacite, pour ne pas dire taciturne, et il advint donc qu’avant d’avoir échangé beaucoup d’autres paroles, ils se trouvèrent en vue de tout ce qu’ils avaient évité depuis si longtemps : le soleil couchant sur les hautes pelouses de Seawood, et les toits gothiques pointant parmi les arbres.

Michaël Herne s’arrêta et regarda son ami, comme