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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/248

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pour l’inviter à avancer. Murrel acquiesça d’un signe et monta de son pas rapide et léger le sentier abrupt sous bois ; puis, franchissant la barrière, il sauta dans l’avenue qui conduisait à l’entrée principale. Les jardins ressemblaient beaucoup à ce qu’ils étaient autrefois : plutôt mieux tenus, et, si l’on peut dire, plus paisibles ; mais la grille qui restait toujours ouverte était fermée.

Murrel, troublé par quelque vague instinct, approcha de la porte et pour la première fois de sa vie frappa ; puis il sonna une grosse cloche. Il lui semblait rêver. Pour bizarres qu’eussent été ses pressentiments, ils ne l’étaient pas autant que ce qu’il trouva.

Environ une demi-heure plus tard, il sortit du portail qui se referma sur lui, franchit la barrière et descendit tranquillement le chemin jusqu’à son ami ; mais sitôt qu’il approcha, Herne sentit qu’il y avait quelque chose d’étrange dans cette tranquillité même. Murrel s’assit sur le talus et rumina un moment, puis il parla :

— Une chose extraordinaire est survenue à Seawood Abbey. Le château n’a pas précisément été rasé, puisqu’il est toujours là, et paraît même plutôt mieux entretenu qu’auparavant. Il n’a pas non plus été frappé par la foudre au sens propre. Et cependant… une catastrophe étourdissante, écrasante, est tombée sur cette abbaye.

— Qu’est-il arrivé à Seawood Abbey ?

— C’est redevenu une abbaye, dit Murrel gravement.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Ce que je dis, exactement. C’est redevenu une abbaye ; je viens de causer avec l’Abbé, et il m’a donné pas mal de nouvelles, en dépit du silence monastique, car il connaît bon nombre de nos amis.